jeudi 5 février 2015

Semaine 4 : Nos relations avec les autres, un des piliers de notre bonheur !

« L’homme est un loup pour l’homme… l’enfer, c’est les autres » : cette semaine va interroger respectueusement mais ouvertement quelques monuments de la philosophie occidentale.


Pour être heureux, soyez entourés !

Entouré et heureux ? 
Songez quelques instants à ce qui vous rend heureux, très heureux dans la vie. Vous y êtes ? Devant vos yeux, peut-être avez-vous vu apparaître vos amis ? votre famille ? vos collègues ?

Dans une étude “Very Happy People”, les chercheurs Ed Diener et Martin Seligman ont mis en évidence une constante : les personnes qui se déclarent « très heureuses » ont TOUJOURS un tissu riche et satisfaisant de relations affectives, familiales, sociales.

« Oui alors, moi je veux bien avoir des relations épanouissantes avec les autres, mais quand mon voisin met la musique à fond à 2h du matin, franchement c’est pas le bonheur !!! »

Tiens, te voilà déjà petite voix ! Oui, tu as raison, quand nos relations avec les autres nous renvoient à la critique, à la frustration, au stress type on-va-pas-y-arriver-on-va-tous-mourir-bientôt, ce n’est pas très joyeux ;-)

Alors imaginons la tranquillité. Prenons le cerveau de quelqu’un qui vit dans l’isolement, exclu de tout et par tous, et passons son cerveau à l’IRM : on y voit activées les mêmes zones que lorsque notre cerveau fait face à la douleur physique !

Donc résumons : entretenir des relations avec les autres est une condition nécessaire… mais pas suffisante pour être heureux.

Et au fait, comment ça marche nos relations sociales ?


C’est même notre nature, demandez à Darwin !

Evolué et connecté !
Avertissement au lecteur : ce qui va suivre est complètement à rebours du discours compétitif et individualiste dans lequel nous baignons quotidiennement.
Donc il est important de préciser que la vision de l’homme présentée ci-dessous fait consensus aujourd’hui dans le monde scientifique. Elle s’est construite en faisant appel à une multitude de spécialités (ethnologie, paléontologie, primatologie, biologie) et ses racines remontent aux débuts de la théorie de l’évolution.

Se sentir heureux quand nous sommes connectés aux autres, ça n’a rien à voir avec l’hégémonie de Facebook, ce serait gravé dans les gènes que nous ont transmis nos ancêtres ;-)

Charles Darwin avait eu cette intuition, confirmée par les générations de chercheurs qui ont depuis marché dans ses pas : l’espèce humaine est ultra-sociable. Et cette caractéristique a joué un rôle essentiel dans notre survie et notre expansion sur terre !

Elle mérite donc que nous nous y arrêtions quelques instants.

Voici le portrait robot de l’être humain dans ses relations avec ses congénères :
  • il prend soin des plus vulnérables
    • pour une raison toute bête : la contrepartie physiologique de notre statut de bipède, c’est que nos bébés naissent tous « prématurés » pas encore prêts pour survivre dans leur environnement. Prendre soin des plus vulnérables, c’est tout simplement assurer la survie de sa progéniture et à long terme de l’espèce.
    • cette qualité s’étend à tous ceux qui ont besoin d’aide : personnes âgés, malades… spontanément, nous ressentons de l’empathie pour eux.
  • il est égalitaire 
    • les hiérarchies sont peu marquées, les ressources sont partagées au sein de la communauté, les liens d’amitié se tissent entre égaux 
    • cette observation a été faite dans TOUTES les sociétés pré-industrielles (cf. travaux de Christopher Boehm)
  • il résout les conflits par la réconciliation et le pardon 
    • grâce aux couches supérieures de notre cerveau, nous avons la capacité à faire mieux que le fuite-lutte-repli dicté par notre cerveau reptilien. 
    • c’est un point commun avec nos cousins les grands singes ;-) 
  • il est ultra-coordonné avec ses congénères 
    • imaginez : vous êtes dans une réunion assommante au retour du déjeuner, et soudain votre voisin de droite se met à bailler… devinez ce qui va vous arriver dans moins de 5 minutes ? Tiens, vous aussi vous baillez ? Et votre voisin d’en face aussi ? 
    • que ce soit pour chasser le mammouth ou pour se déplacer avec des bébés qui ne marchent pas encore, synchroniser notre comportement avec celui des autres membres du groupe est en effet une nécessité vitale pour l’être humain ! 
  • il s’efforce d’être monogame… avec un certain taux d’échec
    • la raison de la monogamie, c’est de construire une relation solide entre 2 adultes complémentaires pour assurer la survie de nos rejetons… les raisons des échecs, j’ai peut-être pas besoin de détailler, vous complèterez ??


Comment ça marche ?

Survie attitude !
Pour faire simple, la théorie de l’évolution repose sur une observation clé : les stratégies efficaces de survie génèrent chez l’individu des sensations de plaisir, de récompense, de joie, qui le motivent à poursuivre cette stratégie.

Et les biologistes confirment que nous disposons d’un outillage physiologique hors norme pour nous connecter les uns aux autres : nerf vague, ocytocine, neurones miroirs, toucher, langage et vocalisations…

Un exemple ? Le dilemme du prisonnier joué en plusieurs manches : la stratégie gagnante pour tous les joueurs est la coopération, mais le jeu est construit avec la tentation de trahir et de la jouer perso. Une tape amicale dans le dos des joueurs – comportement sociable qui génère une sensation de plaisir – multiplie par 2 la probabilité de coopération des joueurs – stratégie efficace de survie !

Une application à l’école : la même tape dans le dos d’un élève, administrée gentiment par l’enseignant, multiplie par 2 sa probabilité de prendre la parole en classe ;-)


Vous n’avez pas reconnu votre voisin dans ce portrait ?

Trop seuls ?
Normal, ce n’est pas tout à fait ce que nous faisons aujourd’hui ! C’est qu’il semblerait que nous ayons mis en sourdine ces qualités, pour cultiver d’autres traits de caractère qui nous sont moins flatteurs.

Toutes les études sociologiques conduites depuis les années 70 montrent un recul constant et significatif de notre sociabilité, qui n’était probablement pas déjà au top ! 

Deux exemples publiés en 2006 aux Etats-Unis :
  • les américains ont 1/3 d’amis proches en moins qu’il y a 30 ans. 25% d’entre eux n’ont même pas d’amis du tout.
  • les enfants américains passent plus de temps devant la télé qu’à discuter avec leurs parents ;-( 


Au programme la semaine prochaine !

La semaine prochaine, je vous propose une illustration du thème d’aujourd’hui, avec un sujet spécial Saint-Valentin « Les secrets d’un mariage heureux » ;-)

D’ici là, tous vos commentaires sont les bienvenus pour faire vivre et progresser ce blog !

Que pensez-vous de la définition de nos relations aux autres proposée cette semaine ? Fait-elle écho à la vôtre ? Etes-vous plutôt d’accord ? Pas du tout d’accord ?

Ce blog et ses articles sont ouverts, n’hésitez pas à partager ce que vous y aimez !!


Pour aller plus loin

Deux articles-interviews du primatologue Frans de Waal :
        • un article du Monde intéressant mais partiellement payant ;-(
http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/11/04/frans-de-waal-un-humaniste-chez-les-singes_3507906_1650684.html
        • un article de Libé en accès libre :
http://www.liberation.fr/livres/2010/03/11/l-empathie-caracterise-tous-les-mammiferes_614400

Une vidéo TedX : Juliette Tournand et la stratégie de la bienveillance
                               

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