jeudi 26 février 2015

Semaine 6 : de l’Art de la Compassion

Calme, douceur et créativité...
que la force de la chèvre soit avec vous !
Après une semaine d’absence pour cause de nouvel an chinois – une des fêtes les plus importantes de l’année en Malaisie ! – Science of Happiness est de retour ;-)

Avec au programme aujourd’hui une notion souvent assimilée aux sermons de messe et aux cours de catéchisme : la compassion !


Alors me direz-vous, que vient faire un chapitre entier sur la compassion, et son corolaire la gentillesse, dans un cours donné par des scientifiques ??

Un indice ?

Qui a dit « la sympathie (=compassion) est notre plus fort instinct : parce que les communautés humaines qui montrent les degrés les plus élevés de compassion sont celles qui s’épanouissent le mieux et qui élèvent avec succès le plus grand nombre d’enfants » ?

Eh bien, c’est Charles Darwin lui-même !

La compassion, une aptitude essentielle à l’être humain pour assurer sa survie et in fine son bonheur ?

Cela mérite de s’y pencher… et d’interroger la façon dont nous percevons, dans nos sociétés occidentales, cet instinct de compassion !


La compassion, c’est quoi ?

La compassion, c'est pas plus
compliqué que ça !
 Pour débuter, qu’est-ce que la compassion ?

La compassion est le sentiment qui s’invite en nous lorsque nous sommes confrontés à la souffrance de l’autre et qui nous pousse à agir pour alléger cette souffrance.

Un exemple ? L'histoire de ce policier new-yorkais, touché par un sdf pieds nus en plein hiver, s’arrêtant pour lui offrir une paire de chaussures, qui avait fait le tour du monde il y a 2 ans.

« Compassion, empathie, altruisme, pitié, j’y comprends rien, c’est pareil tout ça ? »

Oui petite voix, tout à fait ! Nous sommes dans la même famille d’émotions et de comportements, avec quelques nuances entre elles. Prête pour un tour d’horizon ?

L’EMPATHIE, c’est la 1ère étape de la compassion : c’est notre capacité à RESSENTIR les émotions et sensations de l’autre, à se mettre à sa place, à prendre sa perspective. Au stade de l’empathie, nous sommes touchés par l’autre, mais pas encore poussés à agir.

L’ALTRUISME va au-delà de la compassion : c’est AGIR pour que l’autre se sente bien. Dans la compassion, j’ai la volonté d’aider l’autre… ça ne veut pas dire que je vais le faire ;-)

« Pomme, pêche, poire, abricot, y’en a une de trop ! »
La notion qui ne fait pas partie de la série, c’est la PITIE : la pitié regarde de haut, met à distance et place l’autre en situation d’INFERIORITE « oh mon pauvre, tu es encore tombé ! »


La compassion, c’est sympa pour les autres, mais moi, ça peut vraiment me rendre heureux ?

Je vais prendre soin de toi !
Ca y est, vous vous sentez bien au clair sur la compassion, ses amis et ses faux amis ?

Alors maintenant, la compassion, comment ça marche et surtout en quoi ressentir de la compassion peut-il bien nous rendre heureux ?

Cela se joue en plusieurs étapes :

  • 1ère étape : nous l’avons vu tout à l’heure, c’est l’empathie ! Quand je ressens de l’empathie pour l’autre, je me sens connecté, proche, en lien… bref, je suis dans cette relation à l’autre qui me rend heureux, dont nous avions parlé en semaine 4 

  • 2ème étape : lorsque je ressens l’envie d’aider, ce sont les circuits « je prends soin de l’autre » qui s’activent. Le cerveau se met en mouvement pour activer des zones de bien-être et de réduction du stress (ça se mesure à l’IRM), active le nerf vague, relâche des hormones (ocytocyne…)… bref, je me sens bien !! 

  • 3ème étape : notre cortex pré-frontal se met en route et avec lui la capacité à raisonner, à juger. A ce moment, je me dis « oui, je suis capable de l’aider ! ». Ce sentiment d’efficacité personnelle est un des piliers de notre résilience et de notre bonheur.       


Compassion, calme et bonheur !
Voici maintenant une expérience surprenante sur les effets bénéfiques de la compassion, conduite par les chercheurs.

Des volontaires ont suivi pendant plusieurs semaines un entraînement pour accroître leurs capacités de compassion. Puis ils ont été confrontés au test réputé le plus stressant au monde : parler 10 minutes devant un public d’inconnus sur un sujet qu’ils ne maîtrisent pas.

Chez la plupart des personnes, cela déclenche une réaction de type « Au SECOURS !!!! ». Eh bien, chez les volontaires, non ! Chez eux, la réaction de stress est quasiment supprimée, ils se sont dits pas du tout ou presque pas stressés par l’exercice.

Vous allez me dire, ils se la racontent ? C’est ce que les chercheurs se sont dit aussi, du coup ils ont aussi fait des prises de sang avant et après l’exercice pour mesurer le niveau d’hormones de stress… et c’est vrai, les volontaires étaient super détendus et confiants pendant l’exercice !

Au passage, conseil d’ami : n’allez jamais vous porter volontaire pour une expérience conduite par des chercheurs américains en psychologie ;-))

A l’IRM aussi, on observe le même résultat : s’entraîner à ressentir plus de compassion modifie l’équilibre entre le cortex pré-frontal et l’amygdale. En gros, les champions de la compassion utilisent leur cerveau pour réfléchir, là où le commun des mortels fait marcher son cerveau reptilien.


De quoi surmonter la mauvaise presse qui lui est faite en Occident ?

Trop bon, trop con ?

 « Bon d’accord, les bénéfices ça a l’air top. Mais t’es sûre que la compassion, c’est pas un truc réservé aux moines bouddhistes perchés dans les montagnes ? Parce que moi, quand je prends le métro en courant pour apprendre en arrivant que ma boîte lance un plan social dans mon service et que je retrouve le soir mes enfants affalés devant des jeux vidéos, j’ai pas vraiment l’impression que c’est la compassion qui va me sauver ! »

Tu as raison, petite voix, c’est que la compassion n’est pas spécialement bien vue dans une société compétitive, rapide, qui vise le bonheur individuel et tant pis pour ceux qui ont loupé le coche !

Et pourtant, l’idée que nous retrouverons tout au long de ce cours est la même : toutes les disciplines scientifiques – psychologie, anthropologie, biologie… - convergent vers l’idée que la compassion, la gentillesse, la générosité, bref un comportement prosocial est intrinsèque à l’être humain et à son épanouissement.

Lorsque nous agissons selon ces instincts, des mécaniques innées de récompense et de bien-être se mettent en place et contribuent à nous rendre heureux.
Lorsque nous allons contre ces instincts, nous augmentons notre niveau de stress et de mal-être.

A nous de CHOISIR !!


Au programme, la semaine prochaine !

 La semaine prochaine, je vous propose une application pratique du thème d’aujourd’hui ! Une revue des obstacles de notre vie moderne, rapide, efficace pour faire de la place à la compassion et à la gentillesse. Et puis une pratique qui a fait ses preuves pour sauter par-dessus l’obstacle en 15 minutes chrono par semaine ;-)

D’ici là, tous vos commentaires sont les bienvenus pour faire vivre et progresser ce blog !

Que pensez-vous de la notion de compassion présentée cette semaine ? Est-ce quelque chose qui a sa place dans votre vie ? Ou pas vraiment ?

Ce blog et ses articles sont ouverts, n’hésitez pas à partager ce que vous y aimez !!


Pour aller plus loin…

 Curieusement, ma recherche d’ouvrages, articles, vidéos en français sur le thème de la compassion m’a conduite exclusivement à des traductions d’ouvrages religieux et plus précisément bouddhistes. Comme si la notion n’avait pas encore été sécularisée chez nous…
Les chercheurs ayant contribué à ce chapitre sur la compassion, pourtant largement médiatisés et diffusés aux Etats-Unis, n’ont pas été traduits en français ;-(

En orientant la pêche vers la gentillesse, la moisson a été meilleure !

Petit éloge de la gentillesse, Emmanuel Jaffelin
Le pouvoir des gentils, les règles d’or de la relation de confiance, Franck Martin

Osez-vous la gentillesse ? Un test amusant de Psychologies Magazine

Pour ceux prêts à s’aventurer en terres anglophones, voici une vidéo TEDx d’Emma Seppala, Directeur associé du Center for Compassion and Altruism Research and Education (CCARE) à Stanford University et contributeur notamment au Huffington Post